Pour que la recherche puisse trouver un traitement freinateur de la myopie il faut comprendre les mécanismes qui l’induisent et surtout le détonateur qui provoque l’accroissement de la taille de l’oeil.
• Les facteurs génétiques.
La myopie est en partie d’origine génétique et apparaît souvent dans les familles où il y a des myopes avec parfois un saut de génération. Un enfant a plus de risque si l’un des parents est myope (un risque sur 3 environ) et encore plus si les deux parents sont myopes (un risque sur 2), la moitié des myopes ont leur frère ou soeur myope. Des études menées sur des séries de jumeaux monozygotes (qui partagent donc le même patrimoine génétique) ont aussi établi l’influence génétique. Elle est moins importante chez les jumeaux dizygotes qui, eux, partagent le même environnement. Le mode de transmission génétique est encore mal connu mais plusieurs gênes associés la myopie ont été découverts. Un gêne identifié en 2010 est crucial pour la fonction rétinienne et la consolidation de la mémoire visuelle. Cette découverte d’une origine génétique est particulièrement intéressante car l’oeil est un organe de choix pour la thérapie génique. En effet, le fait qu’il soit de faible volume et qu’il soit fermé permet au traitement de rester localisé à l’intérieur dans un volume très concentré. Un autre gêne a été mis en évidence dans des populations de myopes japonais et chinois.
Il reste encore à identifier le facteur responsable des modifications structurelles de l’oeil myope fort pour concevoir un traitement préventif efficace vis-à-visde l’aggravation de la myopie et de ses complications cécitantes.
• Les facteurs environnementaux.
La majoration de la prévalence de la myopie ces dernières décennies est, semble-t-il, surtout associée aux facteurs environnementaux :réduction du temps passé pour des activités extérieures et majoration des activités en vision de près à la lumière artificielle. Les facteurs génétiques impliqués dans la myopie ne sont pas, en effet, susceptibles de provoquer une variation aussi rapide de la prévalence. La majoration progressive de l’instruction et des activités en vision de près sollicitent l’accommodation d’une part et d’autre part majorent l’exposition à la lumière artificielle. Il semble exister une boucle de rétroaction ‘information visuelle-croissance de l’oeil’ qui amènerait l’oeil à moduler sa croissance en fonction de la qualité de l’image reçue. Ainsi, en cas de vision de près prépondérante la longueur axiale de l’oeil augmente. Chez l’animal en période de croissance on peut créer une myopie expérimentale en privant un oeil d’image par occlusion. Ce phénomène peut être partiellement réversible en fonction de la durée de l’expérience. La modification de la taille de l’oeil s’accompagne d’une modification de la structure de la sclère.
– Une première hypothèse est que la probabilité de devenir myope est proportionnelle au temps passé au travail ou à focaliser sur des objets proches (lecture, ordinateur, télévision, jeux vidéos). La myopie augmente dans les pays industrialisés, avec le niveau le niveau économique, socio-éducatif, le nombre d’années d’études et dans le travail en vision de près. Elle est proportionnelle à la durée moyenne quotidienne de cette vision rapprochée beaucoup plus sollicitée actuellement par la lecture, le travail de précision ou sur les écrans d’ordinateur. Les myopes sont en général plus éduqués, plus intellectuels, plus intelligents selon certaines études du quotient intellectuel chez le myope. S’agit-il d’une conséquence de la myopie incitant à la lecture ou au travail de près plutôt qu’aux activités sportives de plein air ou d‘un facteur favorisant par sollicitation accrue de l’accommodation lors de la lecture ? Les deux hypothèses ont été avancées. Dans le seconde hypothèse, l’antidote serait de regarder au loin, en plein air.
Le rôle de la défocalisation a été avancé: pour compenser la focalisation de la vision sur la rétine centrale chez le myope, il existe une défocalisation au niveau de la rétine périphérique qui est un facteur de croissance scléral du globe oculaire donc de myopie. En normalisant cette défocalisation par des systèmes optiques (verres ou lentilles de fabrication particulière) on pourrait envisager l’hypothèse de lutter contre l’accroissement de la myopie. Le port de lentilles rigides perméables à l’oxygène pourrait lutter contre cette défocalisation périphérique et une meilleure image rétinienne. Mais si elles ont un effet sur la réfraction, elles n’en n’ont pas sur la croissance oculaire. L’orthokératologie a redonné un regain d’intérêt aux lentilles rigides portées la nuit. Elles nécessitent un suivi rigoureux et des précautions drastiques.
Une sous-correction de la myopie mythe tenace pendant longtemps augmente au contraire légèrement la myopie.
• Un article récent (Lancet, 2012) met en évidence un autre facteur de risque : le manque de lumière naturelle. Un neurotransmetteur produit dans la rétine sous l’effet de la lumière, la dopamine, joue un rôle éviterait une croissance excessive de l’œil pendant l’enfance. Si passer des heures à lire, jouer ou travailler sur un ordinateur ou un smartphone favorise la myopie, ce serait parce que l’on passe alors beaucoup moins de temps dehors, en lumière naturelle. La prévention consiste alors à demander aux enfants de passer plus de temps à l’extérieur en lumière naturelle. 2 à 3 heures par jour sont suffisantes. Voir: http://www.ophtalmologie.fr/le-figaro-4mai2012.html
• Une autre étude épidémiologique récente portant sur 300000 personnes montre que les bébés nés en juin et juillet auraient 24% de risques en plus de développer une myopie que ceux nés en décembre et janvier. Un enfant né en hiver aurait moins tendance à devenir myope qu‘unenfant né en été. Cela serait dû à l’exposition dès les premiers jours de la vie à l’exposition à une luminosité naturelle accrue. La même constatation a été faite chez des enfants dormant avec une veilleuse avant l’âge de deux ans qui ont plus de risques que ceux qui dorment dans l’obscurité.
• La myopie peut être liée à la restriction spatiale liée à un environnement clos, survenant en milieu carcéral ou dans les équipages de sous-marins.
• Une étude australienne récente portant sur des milliers d’enfants de six à douze ans que l’activité sportive en plein air s’accompagnait d’une réduction de la myopie
• Une étude récente a montré l’augmentation de la prévalence de la myopie en cas de mère âgée, de retard de croissance intra-utérin et de tabagisme pendant la grossesse.
• Les autres causes
• La myopie de courbure peut être due à une déformation du cristallin ou de la cornée (kératocône).
• La myopie d’indice est d’apparition tardive dûe à l’augmentation de l’indice de réfraction du cristallin et reflète alors l’existence d’unecataracte (cataracte nucléaire).
• La myopie nocturne est dûe à un excès d’accommodation en luminosité réduite. Un spasme d’accommodation peut aussi entraîner une fausse myopie. Dans ces cas c’est l’excès de convergence du cristallin qui crée la myopie.
• La myopie est parfois dûe à une prise de médicaments ou à un diabète. Dans ces cas elle est réversible.
Compte-tenu de ces différents facteurs, des essais de traitement ont été proposés pour tenter de freiner l’évolution :
– pour lutter contre la défocalisation rétinienne périphérique : correction optique totale ou avec des verres positifs pour inhiber la croissance de la sclère périphérique, verres bifocaux ou progressifs, verres à design spécial, port de lentilles dures, de lentilles à géométrie variable entre le centre et la périphérie.
– activités à l’extérieur, luminosité importante.
– reposant sur le postulat d’une relation entre accommodation et myopie : entraînements visuels, instillation d’atropine.
Aucun n’a permis d’obtenir un résultat probant à part l’atropine qui serait le meilleur inhibiteur de la croissance du globe mais elle entraîne des effets secondaires rédhibitoires et son efficacité disparaît à l’arrêt du traitement.
En fait la majorité des études portant sur la freination de la myopie n’a montré que peu d’effet sur la progression de celle-ci ce qui invite à garder un esprit critique vis-à-vis des publications ‘miracles’, cela n’empêchant pas de continuer les recherches. Le rôle de la lumière naturelle reste une piste nouvelle intéressante.